Economie
Photo Station voit son avenir en négatif
A Nancy, la société de développement express est placée en redressement judiciaire.
par Jean-Paul ROUSSET
QUOTIDIEN : mercredi 09 novembre 2005
Trop de photo tue-t-elle la photo ? L'explosion du numérique n'a en tout cas pas bénéficié à Photo Station : depuis le 2 novembre, l'entreprise de développement et tirages photographiques express a déposé le bilan. Elle a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de la ville de Nancy, à proximité de laquelle Photo Station a son siège. Le président du directoire, Cédric Gubert, a indiqué avoir «sollicité le tribunal de commerce dans le cadre d'une cessation de paiements, pour protéger l'entreprise et ses salariés». Selon lui, il n'est donc pas question pour l'instant de fermer boutique : l'activité continue pour les 1 178 salariés des 285 magasins du réseau détenus en nom propre et du siège.
Née au début des années 80, la société (qui fait partie avec Photo Service du groupe Photo Europe) avait pourtant suivi toutes les évolutions du tirage photographique. En frappant fort sur les tarifs, voire en s'adaptant rapidement aux nouveaux formats, comme l'éphémère APS (1). Surfant sur la vague numérique, Photo Station alignait ses tarifs numériques sur ceux de l'argentique dès 2002, tentant de préserver son créneau : le tirage économique. Le pari était-il trop difficile à tenir ? «La forte croissance de la photo numérique s'est accompagnée d'une diminution des volumes de tirages, observe Christophe Leroux, président du directoire du réseau concurrent Phox. En plus, les marges se sont effondrées : quand il était possible de faire 60 % de marge en argentique, on ne dépasse pas les 25 % en numérique. Les volumes remontent aujourd'hui, mais il faudrait les doubler pour retrouver une rentabilité suffisante.»
«Fermer proprement». En clair, une boutique qui ne compterait que sur l'activité de tirage papier précisément le modèle économique adopté par la chaîne Photo Station n'est plus viable. L'ensemble du secteur l'a bien compris. Le réseau des Fnac Service s'est ainsi imposé, au printemps dernier, un changement de stratégie... et une forte réduction de voilure : 28 points de vente sur 80 devraient fermer d'ici à la fin de l'année. Un plan de sauvegarde destiné à «fermer proprement» les plus petits magasins, qui ont subi de plein fouet la réduction des volumes, selon Pascal Vermeersch, directeur général de Fnac Service. Ce dernier souligne la baisse de près de 25 % des tirages argentiques et de 30 % des ventes de pellicules, enregistrées en 2004, et qui se reproduit cette année. «On va accélérer la migration vers une offre complète de produits et services liés à l'image, explique-t-il. Toujours du tirage en labo, mais aussi du tirage sur place, et surtout, tous les produits numériques, de la prise de vue à l'impression à domicile.» Comme une réinvention de la boutique du photographe.
«Utilité sociale». Pour les adhérents du groupement économique Phox, qui sont pour la plupart des photographes indépendants, cette pratique est déjà naturelle : ils proposent tirages, appareils photo, imprimantes et consommables, mais aussi les traditionnelles photos de mariage. Apparemment préservé des ravages touchant l'industrie du développement photo, le réseau créé il y a vingt-cinq ans poursuit doucement son extension : 534 magasins aujourd'hui, dont une cinquantaine ouverts depuis quatre ans. Christophe Leroux veut y voir un vrai symbole : «C'est l'utilité sociale retrouvée du photographe.» Un raisonnement très éloigné de la logique du fonds d'investissement britannique Cinven, qui avait acheté au prix fort (282 millions d'euros) Photo Europe au groupe d'optique GrandVision en 2001. L'opération s'achevant en déroute, Cinven est en négociation pour le revendre à Michael Likiermann... l'un des fondateurs de GrandVision.
(1) Standard de négatif dont les clichés se rapprochent du panoramique, à l'intérieur desquels on spécifie des recadrages.
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